Rupture des relations commerciales établies dans le domaine de la mode : son caractère prévisible l’empêche-t-elle d’être brutale ?
- On 3 novembre 2022
Dans un arrêt récent, la Cour de cassation s’est prononcée sur la rupture d’une collaboration artistique dans le domaine de la mode.
Les relations entre les sociétés étaient basées sur des contrats à durée déterminée
- ponctuels (pour une ou deux saisons particulières ou pour une collection spécifique),
- ne prévoyant pas de possibilité de reconduction,
- et dont la fréquence avait diminué.
La cessation des commandes avait été explicitement évoquée entre les parties.
Avant la conclusion du dernier contrat, le fabricant avait indiqué au designer qu’il souhaitait pouvoir mettre un terme au partenariat si le nouveau fonctionnement testé ne lui donnait pas satisfaction.
Pourtant, la Cour de cassation a considéré que « le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis. (…)
Pour rompre ce type de collaboration artistique, le fabricant aurait dû manifester « une intention non équivoque de rompre la relation commerciale et accordé un délai de préavis »
(Cass. Com., 28 septembre 2022, n°21-16.209)
Selon l’article L.442-1 II du code de commerce « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels » (ex-art. L. 442-6, I, 5° du code de commerce).
Sur la relation commerciale établie
Pour la Cour de cassation, le fait que :
- les contrats soient à durée déterminée sans possibilité de reconduction
- que la collaboration entre les deux partenaires ait évolué
- et que le rythme des contrats ait été altéré
ne suffit pas à exclure le caractère établi de la relation commerciale entre les sociétés.
« Pour retenir le caractère précaire de la relation commerciale, l’arrêt retient d’abord que les contrats ayant lié les parties depuis 1996 étaient des contrats de collaboration artistique, conclus à durée déterminée pour une ou deux saisons particulières ou pour une collection spécifique, sans possibilité de reconduction à l’issue de la réalisation des travaux commandés. Il relève ensuite qu’à l’initiative de la société Millet, la collaboration entre les deux partenaires a évolué et que le rythme des contrats a été altéré. 6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à exclure le caractère établi de la relation commerciale entre les sociétés Millet et Melrose, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ». (Cass. Com., 28 septembre 2022, n°21-16.209)
Sur la rupture brutale
Pour la Cour de cassation, le fait pour le fabricant
- d’avoir explicitement évoqué la cessation des commandes avant la conclusion du dernier contrat
- et d’avoir indiqué au designer qu’il souhaitait pouvoir mettre un terme au partenariat si le nouveau fonctionnement testé ne lui donnait pas satisfaction
ne suffit pas à établir que le fabricant avait manifesté une intention non équivoque de rompre la relation commerciale ni accordé un délai de préavis.
La Cour de cassation a en effet considéré que « le caractère prévisible de la rupture d’une relation commerciale établie ne prive pas celle-ci de son caractère brutal si elle ne résulte pas d’un acte du partenaire manifestant son intention de ne pas poursuivre la relation commerciale et faisant courir un délai de préavis. (…)
Pour rompre ce type de collaboration artistique, le fabricant aurait dû manifester « une intention non équivoque de rompre la relation commerciale et accordé un délai de préavis » (Cass. Com., 28 septembre 2022, n°21-16.209)